Terminale – Cours – Suites de matrices

Suites de matrices

I Définitions

Définition 1 : Une suite de matrices colonnes à $p$ lignes où $p$ est un entier naturel supérieur ou égal à $2$ est une fonction qui à tout entier naturel $n$ lui associe une matrice colonne à $p$ lignes.

Exemple : On considère la suite $\left(U_n\right)$ définie pour tout entier naturel $n$ par $U_n=\begin{pmatrix} n^2\\n+4\\5n\end{pmatrix}$ est suite de matrices dont les termes sont ceux des suites numériques $\left(u_n\right)$, $\left(v_n\right)$ et $\left(w_n\right)$ telles que $u_n=n^2$, $v_n=n+4$ et $w_n=5n$ pour tout entier naturel $n$.
De plus on a $U_3=\begin{pmatrix} 9\\7\\15\end{pmatrix}$.

Remarque : De façon analogue on définit une suite de matrices lignes.

Définition 2 : On dit qu’une suite de matrices colonnes converge si, et seulement si, les suites consitutées des coefficients de cette matrice convergent.

Exemple : On considère la suite $\left(U_n\right)$ définie pour tout entier naturel $n$ par $U_n=\begin{pmatrix} 4+5\times 0,2^n\\2\times \left(\dfrac{1}{3}\right)^n\end{pmatrix}$.
$-1<0,2<1$ donc $\lim\limits_{n\to +\infty} 0,2^n=0$ et $\lim\limits_{n \to +\infty} 4+5\times 0,2^n=4$
$-1<\dfrac{1}{3}<1$ donc $\lim\limits_{n\to +\infty} \left(\dfrac{1}{3}\right)^n=0$ donc $\lim\limits_{n\to +\infty} 2\times\left(\dfrac{1}{3}\right)^n=0$
Ainsi la suite $\left(U_n\right)$ converge vers la matrice $\begin{pmatrix}4\\0\end{pmatrix}$.

$\quad$

$\quad$

II Suites de la forme $\boldsymbol{U_{n+1}=AU_n}$

Propriété 1 : On considère une matrice carrée $A$ d’ordre $p$, différente de $O_p$, et une suite de matrices colonnes $\left(U_n\right)$ à $p$ lignes telles que, pour tout entier naturel $n$, $U_{n+1}=AU_n$.
Pour tout entier naturel $n$ on a alors $U_n=A^nU_0$.
Preuve Propriété 1

Nous allons faire un raisonnement par récurrence.

Initialisation : Si $n=0$ alors $A^0=I_p$ (car $A\neq O_p$) donc $A^0U_0=U_0$.
La propriété est vraie au rang $0$.

Hérédité : On suppose la propriété vraie au rang $n$. Donc $U_ {n+1}=A^nU_0$.
$\begin{align*} U_{n+1}&=AU_n\\
&=A\times A^nU_0\\
&=A^{n+1}U_0\end{align*}$
La propriété est donc vraie au rang $n+1$.

Conclusion : La propriété est vraie au rang $0$ et est héréditaire.
Par conséquent, pour tout entier naturel $n$ on a $U_n=A^nU_0$.
$\quad$

[collapse]

$\quad$

Propriété 2 : On considère une matrice carrée $A$ d’ordre $p$, une matrice colonne $B$ à $p$ lignes et une suite de matrices colonnes $\left(U_n\right)$ à $p$ lignes telles que, pour tout entier naturel $n$, $U_{n+1}=AU_n+B$.
Si la matrice $I_p-A$ est inversible alors il existe une matrice colonne $C$ à $p$ lignes telle que $C=AC+B$ et pour tout entier naturel $n$ on a $U_n=A^n\left(U_0-C\right)+C$.

Remarques :

  • Il n’est pas nécessaire de connaître par cœur l’expression exacte de la matrice $U_n$; il est préférable de savoir redémontrer ce résultat dans le cas particulier qui sera à étudier.
  • Si la matrice $C$ existe on dit qu’il s’agit d’un état stable.
Preuve Propriété 2

On suppose que $I_p-A$ est inversible alors
$\begin{align*}C=AC+B &\ssi C-AC=B \\
&\ssi I_p \times C-AC=B\\
&\ssi \left(I_p-A\right)C=B\\
&\ssi C=\left(I_p-A\right)^{-1}B\end{align*}$
Il existe donc une matrice $C$ vérifiant $C=AC+B$.

On considère la suite de matrices colonnes $\left(V_n\right)$ définie pour tout entier naturel $n$ par $V_n=U_n-C$.
Pour tout entier naturel $n$ on a :
$\begin{align*} V_{n+1}&=U_{n+1}-C\\
&=AU_n+B-C\\
&=AU_n+B-\left(AC+B\right) \\
&=AU_n+B-AC+B\\
&=AU_n-AC\\
&=A\left(U_n-C\right)\\
&=AV_n\end{align*}$
D’après la propriété précédente, pour tout entier naturel $n$ on a $V_n=A^nV_0$.

Ainsi, pour tout entier naturel $n$, on a $U_n-C=A^n\left(U_0-C\right)$ soit $U_n=A_n\left(U_0-C\right)+C$.
$\quad$

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$\quad$

Voici un exercice type (bac S – Polynésie juin 2013) sur ce sujet.

Énoncé

Un opérateur téléphonique A souhaite prévoir l’évolution de nombre de ses abonnés dans une grande ville par rapport à son principal concurrent B à partir de 2013.
En 2013, les opérateurs A et B ont chacun $300$ milliers d’abonnés.

Pour tout entier naturel $n$, on note $a_n$ le nombre d’abonnés, en milliers, de l’opérateur A la $n$-ième année après 2013, et $b_n$ le nombre d’abonnés, en milliers, de l’opérateur B la $n$-ième année après 2013.
Ainsi, $a_0 = 300$ et $b_0 = 300$.

Des observations réalisées les années précédentes conduisent à modéliser la situation par la relation suivante :
pour tout entier naturel $n$, $\begin{cases} a_{n+1} = 0,7a_n + 0,2b_n + 60 \\\\b_{n+1} = 0,1a_n + 0,6b_n + 70 \end{cases}$.

On considère les matrices $M =\begin{pmatrix} 0,7 & 0,2 \\ 0,1 & 0,6 \end{pmatrix}$ et $P = \begin{pmatrix} 60 \\ 70 \end{pmatrix}$.

Pour tout entier naturel $n$, on note $U_n = \begin{pmatrix} a_n \\ b_n \end{pmatrix}$.

  1. a. Déterminer $U_1$.
    $\quad$
    b. Vérifier que, pour tout entier naturel $n$, $U_{n+1} = M \times U_n +P$.
    $\quad$
  2. On note $I$ la matrice $\begin{pmatrix} 1 & 0 \\ 0 & 1 \end{pmatrix}$.
    a. Calculer $(I – M)\times \begin{pmatrix} 4 & 2 \\ 1 & 3 \end{pmatrix}$.
    $\quad$
    b. En déduire que la matrice $I – M$ est inversible et préciser son inverse.
    $\quad$
    c. Déterminer la matrice $U$ telle que $U = M \times U + P$.
    $\quad$
  3. Pour tout entier naturel, on pose $V_n = U_n – U$.
    a. Justifier que, pour tout entier naturel $n$, $V_{n+1} = M \times V_n$.
    $\quad$
    b. En déduire que, pour tout entier naturel $n$, $V_n = M^n \times V_0$.
    $\quad$
  4. On admet que, pour tout entier naturel $n$, $$V_n = \begin{pmatrix} \dfrac{-100}{3}\times 0,8^n – \dfrac{140}{3} \times 0,5^n \\\\\dfrac{-50}{3} \times 0,8^n + \dfrac{140}{3} \times 0,5^n \end{pmatrix}$$
    a. Pour tout entier naturel $n$, exprimer $U_n$ en fonction de $n$ et en déduire la limite de la suite $\left(a_n\right)$.
    $\quad$
    b. Estimer le nombre d’abonnés de l’opérateur A à long terme.
    $\quad$

Correction

  1. a. $a_1 = 0,7 \times 300 + 0,2 \times 300 + 60 = 330$
    et $b_1 = 0,1 \times 300 + 0,6 \times 300 + 70 = 280$
    Donc $U_1 = \begin{pmatrix} 330 \\280 \end{pmatrix}$.
    $\quad$$
    b. $~$
    $$ \begin{align} M \times U_n + P &= \begin{pmatrix} 0,7\times a_n + 0,2\times b_n \\0,1 \times a_n + 0n6 \times b_n \end{pmatrix} + \begin{pmatrix} 60 \\70 \end{pmatrix} \\
    &= \begin{pmatrix} 0,7 \times a_n + 0,2\times b_n + 60\\0,1 \times a_n + 0,6 \times b_n + 70 \end{pmatrix} \\
    &=\begin{pmatrix} a_{n+1}\\b_{n+1} \end{pmatrix} \\
    &=U_{n+1}
    \end{align}$$
  2. a. $(I – M) = \begin{pmatrix} 0,3&-0,2 \\ -0,1&0,4 \end{pmatrix}$
    Donc $(I-M) \times \begin{pmatrix} 4&2\\1&3 \end{pmatrix} = \begin{pmatrix} 1&0 \\0&1 \end{pmatrix} = I$.
    $\quad$$
    b. Par conséquent $I-M$ est inversible et son inverse est $\begin{pmatrix} 4&2\\1&3 \end{pmatrix}$.
    $\quad$$
    c. On veut que :
    $$\begin{align} U = M \times U + P & \Leftrightarrow U – M \times U = P \\
    & \Leftrightarrow (I-M)U = P \\
    &\Leftrightarrow U = (I-M)^{-1} \times P \\
    & \Leftrightarrow U = \begin{pmatrix} 380 \\270 \end{pmatrix}
    \end{align}$$
  3. a. $\quad$$
    $$\begin{align} V_{n+1} &= U_{n+1}-U \\
    & = M \times U_n + P -(M \times U + P) \\
    &= M \times U_n – M \times U \\
    &= M \times (U_n – U) \\
    &= M \times V_n
    \end{align}$$
    b. Montrons ce résultat par récurrence.
    Initialisation : $M^0 \times V_0 = I \times V_0 = V_0$.
    La propriété est vraie au rang $0$.
    $\quad$$
    Hérédité : Supposons la propriété vraie au rang $n$ : $V_n = M^n \times V_0$.
    Alors $V_{n+1} = M \times V_n = M \times M^n \times V_0 = M^{n+1} \times V_0$.
    La propriété est vraie au rang $n+1$.
    $\quad$$
    Conclusion : La propriété est vraie au rang $0$ et est héréditaire.
    Donc pour tout entier naturel $n$, $V_n = M^n \times V_0$.
    $\quad$$
  4. a. On a donc $$U_n = V_n + U = \begin{pmatrix} \dfrac{-100}{3} \times 0,8^n – \dfrac{140}{3} \times 0,5^n + 380 \\\\ \dfrac{-50}{3} \times 0,8^n + \dfrac{140}{3} \times 0,5^n + 270 \end{pmatrix}$$
    Par conséquent $a_n = \dfrac{-100}{3} \times 0,8^n – \dfrac{140}{3} \times 0,5^n + 380$.
    Or $\lim\limits_{n \to +\infty} 0,8^n = 0$ car $-1 < 0,8 < 1$
    et $\lim\limits_{n \to +\infty} 0,5^n = 0$ car $-1 < 0,5 < 1$.
    Donc $\lim\limits_{n \to +\infty} a_n = 380$.
    $\quad$$
    b. Sur le long terme l’opérateur A aura donc $380~000$ abonnés.
    $\quad$

$\quad$

Et un exercice type (bac S – Métropole juin 2013) faisant intervenir une matrice diagonale.

Énoncé

On étudie la population d’une région imaginaire. Le $1^{\text{er}}$ janvier 2013, cette région comptait $250~000$ habitants dont $70\%$ résidaient à la campagne et $30\%$ en ville.
L’examen des données statistiques recueillies au cours de plusieurs années amène à choisir de modéliser l’évolution de la population pour les années à venir de la façon suivante :

  • l’effectif de la population est globalement constant,
  • chaque année, $5\%$ de ceux qui résident en ville décident d’aller s’installer à la campagne et $1\%$ de ceux qui résident à la campagne choisissent d’aller habiter en ville.

Pour tout entier naturel $n$, on note $v_{n}$ le nombre d’habitants de cette région qui résident en ville au $1^{\text{er}}$ janvier de l’année $(2013 + n)$ et $c_{n}$ le nombre de ceux qui habitent à la campagne à la même date.

  1. Pour tout entier naturel $n$, exprimer $v_{n+1}$ et $c_{n+1}$ en fonction de $v_{n}$ et $c_{n}$.
    $\quad$
  2. Soit la matrice $A = \begin{pmatrix}0,95&0,01\\0,05& 0,99\end{pmatrix}$.
    On pose $X = \begin{pmatrix}a\\b\end{pmatrix}$ où $a, b$ sont deux réels fixés et $Y = AX$.
    Déterminer, en fonction de $a$ et $b$, les réels $c$ et $d$ tels que $Y = \begin{pmatrix}c\\d\end{pmatrix}$.
    $\quad$
    Les résultats précédents permettent d’écrire que pour tout entier naturel $n$, $X_{n+1} = AX_{n}$ où $X_{n} = \begin{pmatrix}v_{n}\\c_{n}\end{pmatrix}$. On peut donc en déduire que pour tout entier naturel $n$, $X_{n} = A^n X_{0}$.
    $\quad$
  3. Soient les matrices $P = \begin{pmatrix}1&- 1\\5&1\end{pmatrix}$ et $Q = \begin{pmatrix}1&1\\- 5&1\end{pmatrix}$.
    a. Calculer $PQ$ et $QP$. En déduire la matrice $P^{-1}$ en fonction de $Q$.
    $\quad$
    b. Vérifier que la matrice $P^{-1}AP$ est une matrice diagonale $D$ que l’on précisera.
    $\quad$
    c. Démontrer que pour tout entier naturel $n$ supérieur ou égal à $1$, $A^n = P D^n P^{- 1}$.
    $\quad$
  4. Les résultats des questions précédentes permettent d’établir que
    $$v_{n} = \dfrac{1}{6}\left(1 + 5 \times 0,94^n\right)v_{0} + \dfrac{1}{6}\left(1 – 0,94^n\right)c_{0}.$$
    Quelles informations peut-on en déduire pour la répartition de la population de cette région à long terme ?
    $\quad$

Correction

  1. On a donc $v_{n+1} = (1 – 0,05)v_n+0,01c_n = 0,95v_n+0,01c_n$
    Et $c_{n+1} = 0,05v_n+0,99c_n$
    $\quad$
  2. $Y=AX$ donc $c=0,95a+0,01b$ et $d=0,05a+0,99b$
    $~$
  3. a. $PQ = \begin{pmatrix} 6&0\\0&6 \end{pmatrix}$ et $QP = \begin{pmatrix} 6&0 \\0&6 \end{pmatrix}$
    Par conséquent $P$ est inversible et $P^{-1} = \dfrac{1}{6}Q$
    $\quad$
    b. $P^{-1}AP = \begin{pmatrix} 1&0 \\0&0,94 \end{pmatrix} = D$
    $\quad$
    c. Initialisation : Si $n=1$ alors $PDP^{-1} = PP^{-1}APP^{-1} = A$
    La propriété est vraie au rang $1$.
    $\quad$
    Hérédité : Supposons le propriété vraie au rang $n$ : $A^n = PD^nP^{-1}$
    Alors :
    $\begin{align} A^{n+1}&=AA^n \\
    &= PDP^{-1}PD^nP^{-1}\\
    &= PDD^nP^{-1} \\
    &=PD^{n+1}P^{-1}
    \end{align}$
    La propriété est donc vraie au rang $n+1$.
    $\quad$
    Conclusion : La propriété est vraie au rang $1$ et est héréditaire.
    Donc, pour tout entier naturel supérieur ou égal à $1$, $A^n=PD^nP^{-1}$
    $\quad$
  4. $\lim\limits_{n \to + \infty} 0,94^n$ car $-1 < 0,94 < 1$
    Donc $\lim\limits_{n \to + \infty} v_n = \dfrac{1}{6}v_0+\dfrac{1}{6}c_0 = \dfrac{1}{6}(v_0+c_0) = \dfrac{250~000}{6} = \dfrac{125~000}{3}$
    $\quad$
    La population citadine sera, au bout d’un grand nombre d’années de $\dfrac{125~000}{3}$ habitants.
    $\quad$

$\quad$